Homme d’affaires, voyageur, conférencier, mais aussi membre actif du réseau H2 de la fondation NOMADS, Guillaume Taylor répond à nos questions sur ce qui l’a amené à s’engager dans l’éthique de l’énergie. Son implication au sein du réseau H2 vise un objectif clair : réduire significativement les émissions de CO2 d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, en accord avec l’Accord de Paris.

NOMADS. Quelles réflexions ont amené un homme diplômé en sciences de la Boston University, devenu gestionnaire de fortune, à se diriger vers les disciplines de la durabilité ?
Guillaume Taylor. On me pose souvent cette question. J’ai commencé à m’interroger sur l’utilisation des capitaux dans un système économique ou financier déconnecté des enjeux sociétaux et environnementaux. Alors que je siégeais au conseil d’administration d’une institution de microfinance genevoise, un voyage au Zimbabwe m’a offert l’opportunité de rencontrer des entrepreneurs et entrepreneuses bénéficiaires de prêts. Ils jugeaient sévèrement les initiatives « humanistes » des fondations occidentales, qui ne profitaient pas au peuple, mais servaient des fins politiques ou des intérêts personnels. Ce voyage m’a également révélé certaines incohérences dans les flux d’argent et m’a conduit à réfléchir à ce que je pourrais accomplir de mesurable sur la question éthique.

Quels motifs vous ont amené à rejoindre la fondation NOMADS et son réseau H2 ?
Appartenant au comité d’experts de la fondation Montagu, je crois en la pluralité des solutions, au-delà des idéologies partisanes. Sur le sujet de la mobilité, nous pensons que l’hydrogène représente une alternative viable à la propulsion électrique, avec un vrai potentiel dans le mix énergétique. La force de NOMADS réside dans sa capacité à assembler ces briques existantes pour développer une réflexion systémique. NOMADS facilite la communication et la collaboration entre l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème économique, les fédérant alors qu’ils ne se rencontrent pas naturellement.

Pourriez-vous préciser le mobile du réseau H2 ?
Outre l’aspect environnemental, si l’on considère les enjeux géopolitiques liés au pétrole et à l’approvisionnement en électricité, l’hydrogène offre la possibilité d’une production locale. Cette perspective de dé-globaliser est essentielle pour l’avenir de notre pays.

Quel contrepoids efficace pourrait enrayer la frénésie énergétique de l’économie ?
Il me paraît important de relier des moteurs clés comme la finance, la géopolitique et la technologie afin d’harmoniser les modèles économiques et la production. Par mon expérience, notamment en ce qui concerne les enjeux pétroliers, je constate que même si nous avons les moyens de nous affranchir de ces grandes problématiques géopolitiques, nous savons mal instaurer une économie de la transition et redéfinir la notion de progrès universel au-delà de la simple croissance. Il est crucial de permettre des solutions locales et de susciter une prise de conscience individuelle pour faciliter un véritable changement collectif.

Vous pensez donc que l’éveil des consciences doit précéder la réglementation ?
En réalité, tout doit évoluer simultanément. En matière de mobilité, il ne s’agit pas seulement de se concentrer sur l’énergie utilisée, mais de redéfinir ce que signifie la mobilité urbaine. Pourquoi ne pas envisager la gratuité des transports publics partout en Suisse ? Des villes comme Zermatt démontrent que le commerce peut rester florissant même en l’absence de véhicules. Il serait bénéfique de soutenir les petites entreprises locales avec des subventions qui encourageraient une consommation plus durable et locale. Nous devons réexaminer nos priorités, réduire le gaspillage et repenser nos systèmes de mobilité et de consommation afin de créer un avenir plus durable et équitable.

Comment vous engagez-vous vous-même sur le chemin de l’éthique ?
Lorsque j’investis mes propres fonds, je le fais de manière éthique. Je m’efforce de réfléchir en dehors des sentiers battus, en évaluant les situations de manière absolue plutôt que relative. Je me concentre sur l’impact positif de mes investissements, même s’ils sont moins lucratifs à court terme. Pour moi, le succès ne se mesure pas seulement en termes financiers, mais aussi en termes de contribution à un monde plus durable et en harmonie avec la nature. Mes indicateurs reposent aussi sur le cœur et l’intuition, dans un environnement où les solutions ne sont pas toujours claires ou préétablies. Il faut agir, essayer, apprendre de nos erreurs, s’adapter en cours de route, progresser de manière pragmatique, en tenant compte des réalités immédiates.

J’ai une dernière question à vous poser sur l’intelligence artificielle, qui bouleverse le monde. Est-ce un progrès relatif ou aboutira-t-elle à de meilleures conditions de vie pour l’homme ?
Je pense que l’intelligence artificielle offre l’opportunité pour l’homme de se concentrer davantage sur le développement de son humanité, sa conscience et sa spiritualité, en laissant les machines effectuer les tâches que nous n’apprécions pas ou que nous n’exécutons pas particulièrement bien. Cela étant, je ne crois pas que la technologie, à elle seule, sera la solution à la durabilité. Il est crucial que nous restions les maîtres de notre destin plutôt que de laisser la technologie le déterminer.

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