Ses racines sont haut-savoyardes, ses ailes genevoises. Homme de conviction issu d’une vénérable lignée d’agriculteurs, cet ingénieur EPFL a accompli une grande partie de sa carrière dans l’industrie, notamment au sein du groupe ABB, dont il a dirigé le siège genevois pendant 15 ans et assuré la responsabilité mondiale de la division ferroviaire. Après avoir quitté le concert concurrentiel des multinationales, Jean-Luc Favre se consacre au développement économique et social, en qualité de président du conseil de la fondation NOMADS, et de président, puis vice-président de l’Union des Associations Patronales Genevoises (UAPG). Six questions posées à ce pragmatique qui ne peut s’empêcher de regarder les étoiles.

Qu’est-ce qui pousse un dirigeant de votre niveau à bifurquer vers la voie associative ?
Mes activités professionnelles m’ont amené à collaborer régulièrement avec le monde associatif et l’idée de mettre mon expérience au service d’un projet d’intérêt général m’a paru être le prolongement logique de mes années consacrées au business. J’ai donc décidé de rejoindre NOMADS en 2016, en particulier pour travailler sur les questions de la mobilité dans la perspective environnementale.

En quoi votre parcours de dirigeant sert-il la Fondation ?
Je propose mon savoir-faire organisationnel et de management, mais également ma capacité à fédérer autour d’un idéal commun. Mon apport s’est notamment matérialisé dans la création du hub Mobilité, une initiative rassemblant une vingtaine d’acteurs économiques autour de la décarbonation et de l’optimisation des flux de mobilité. Je m’investis dans les thèmes de l’énergie, la transition numérique et l’avenir des métiers, mais aussi dans la réflexion sur la dimension sociétale et environnementale.

Pensez-vous que des propositions privées comme celles de NOMADS puissent agir sur les grands agendas politiques ?
Le système suisse permet de réaliser des initiatives souvent impossibles ailleurs. La Fondation NOMADS rassemble des acteurs publics et privés et des leaders de divers secteurs afin de soutenir des programmes qui n’auraient peut-être jamais vu le jour sans cette collaboration. Un exemple emblématique est celui de l’hydrogène. Nous comblons en quelque sorte le déficit de prospective de nos écosystèmes, grâce à des travaux consacrés au développement de la filière hydrogène et de sa chaine de valeur au niveau régional. Nous avons ainsi convaincu le Parlement genevois de créer un fonds de 10 millions de francs suisses pour promouvoir les innovations dans ce domaine, sur la base d’une coopération public-privé, avons initié et menons des opérations concrètes couronnées de succès :

GOH! Generation of Hydrogen, est un projet pilote réalisé en collaboration avec un consortium de quatre entreprises locales — Migros Genève, GreenGT, LARAG et SIG — ayant consisté au développement d’un camion de 40 tonnes doté d’un groupe motopropulseur fonctionnant à l’hydrogène et à l’électricité.

Le projet H2 (Réseau Hydrogène Suisse Romande) est une initiative NOMADS visant à développer une infrastructure de distribution d’hydrogène pour promouvoir une mobilité propre et une production industrielle durable. En partenariat avec des acteurs publics et privés, ce projet s’inscrit dans les efforts de développement de l’hydrogène comme solution énergétique verte et efficace. Il prévoit des stations de distribution pour véhicules, industries et foyers, stimulant l’économie régionale et renforçant la position de la Suisse romande dans la transition énergétique et les énergies propres.

Comment intégrez-vous l’intelligence artificielle (IA) dans votre réflexion, sachant qu’elle rebat les cartes dans à peu près tous les domaines ?
Nous vivons effectivement une période charnière de l’histoire de l’humanité, marquée par des avancées technologiques paradigmatiques. Parmi elles, l’intelligence artificielle (IA) occupe une place centrale et soulève, pour la première fois, la question de l’indépendance de la machine et de la perte de contrôle. L’IA offre un potentiel d’innovation sans précédent, ce qui en fait une priorité pour une réflexion éthique et responsable. L’IA pourrait-elle un jour se détourner de ses créateurs et chercher à s’affranchir des contraintes imposées par l’humanité ? Le défi qui se pose est de tirer parti de ses avancées tout en conservant la maîtrise de son développement, au service du progrès.

Avez-vous déjà défini les grands objectifs de la Fondation NOMADS pour 2025 ?
Je souligne l’importance de défendre le principe d’une vision à long terme sur l’ensemble des sujets qui nous intéressent. Notre force résidera dans notre anticipation des savoir-faire du futur, dans notre capacité à créer des passerelles de bonne volonté, privées ou publiques, et à mobiliser notre communauté. Pour les années qui viennent, la formation et le développement des compétences me semblent être au cœur de notre démarche. Je suis également convaincu qu’il reste à définir un projet de société cohérent, aligné sur les extraordinaires bouleversements de cette première partie du XXIe siècle. Comment pouvons-nous garantir une place pour chacun dans notre avenir commun ? À ce titre, je souhaite que nous nous engagions dans la rédaction d’une proposition de contrat social, qui n’élude aucune des grandes questions soulevées par la transition numérique, l’intelligence artificielle, les nouveaux idéaux sociétaux, la notion de travail, l’instabilité du monde, la gestion des ressources énergétiques, la restauration de l’environnement.

Si vous aviez une baguette magique et pouviez exaucer un vœu, que choisiriez-vous ?
Je ferais en sorte que les progrès de l’humanité profitent à tous, et que chacun puisse réaliser son parcours de vie dans l’égalité des chances, la dignité et le respect d’une nature indispensable à notre existence. J’agiterais cette baguette pour que la volonté de faire le bien devienne l’énergie dominante et que le mal disparaisse.

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