Patron de la branche mobilité d’Hitachi Energy, Thierry Lassus est un précieux observateur du monde du transport des marchandises et des personnes. Leader de notre Hub consacré à ce sujet, et au service d’une entreprise versée dans l’énergie bas carbone, il nous livre son point de vue sur la situation genevoise et les perspectives qui lui sont associées.
NOMADS. Pouvez-vous nous expliquer le contexte qui a conduit à la création du Hub Mobilité lors des Assises européennes de la transition énergétique en février 2018 ?
Thierry Lassus. Le Hub Mobilité a été créé pour répondre aux défis du transport dans notre canton, compte tenu de la croissance démographique et des infrastructures existantes. Son objectif est d’accompagner l’évolution des déplacements des personnes et des marchandises tout en promouvant la durabilité, la sécurité et la qualité de vie en milieu urbain. En observant Genève au cours des deux dernières décennies, il est clair que nos équipements territoriaux ne se sont pas suffisamment renforcés pour assurer les besoins d’une population en constante augmentation. Cette situation se traduit par une congestion routière chronique et une pollution sonore et atmosphérique incompatibles avec ce que l’on attend d’une ville figurant parmi les cinq meilleures destinations européennes. Le Hub Mobilité travaille en cocréation avec un certain nombre d’entreprises et d’acteurs du secteur, mais aussi d’offices du Canton, susceptibles d’apporter des solutions aux défis urbains à venir. Nous adoptons une approche globale , selon trois axes fondamentaux: la décarbonation par l’électrification, l’exploration de nouvelles sources énergétiques, telles que l’hydrogène et la numérisation. Cette dernière constitue une formidable opportunité d’amélioration : en facilitant l’accès aux informations et aux services de transport, elle peut contribuer à rendre les déplacements plus efficaces et écologiques.
Est-il vraiment possible de parler d’électricité verte ?
Avec ses cours d’eau et ses lacs de montagne, notre pays dispose d’un grand potentiel d’énergie durable. 60 % de notre électricité provient de l’hydroélectricité. En outre, une partie de l’électricité suisse est générée par des centrales nucléaires, à hauteur de 35 %. Ces moyens permettent de produire une énergie à faible empreinte carbone. Il est indéniable que l’énergie électrique est finalement plus bénéfique que l’énergie fossile, bien que ce ne soit pas une solution parfaite.
Quels motifs vous ont personnellement amené à vous engager dans la démarche éthique de la fondation NOMADS ?
Je m’intéresse à l’innovation, aux savoir-faire et aux connaissances développées dans et au-delà d’Hitachi Energy. La fondation NOMADS nous offre un extraordinaire espace de réflexion et d’échanges pour travailler au bien commun. Les objectifs poursuivis par la fondation sont connexes à ceux d’Hitachi Energy. La mission et la vision de notre groupe n’ont pas changé depuis 125 ans : nous aspirons à un impact sociétal positif et notre principal axe de focalisation est la décarbonation. Nous avons des exemples concrets d’initiatives en cours, comme l’utilisation d’électricité propre et la production d’énergie solaire à l’usine de Genève. Nous travaillons à isoler nos bâtiments, à réduire la consommation de gaz et à surveiller attentivement nos déchets ; nous cherchons à décarboner la mobilité de nos employés en encourageant la pratique du vélo et en installant des bornes de recharge pour les véhicules électriques. Nous nous engageons dans la décarbonation du transport de marchandises. Nous développons également des projets innovants pour la production locale d’hydrogène dans nos usines pour alimenter des camions à hydrogène. Notre objectif est de garantir à nos clients que leurs biens sont transportés de la manière la plus propre possible.
Vous avez évoqué le défi genevois. Comment jugez-vous la situation actuelle du canton ?
Les défis de la mobilité genevoise proviennent de sa géographie particulière, entre montagnes et lac, et d’une croissance démographique continue. La mobilité est un pilier essentiel de notre économie, notamment transfrontalière. Une coopération avec la France voisine est donc indispensable pour créer de la fluidité et désengorger Genève, tout en stimulant la collaboration interrégionale et en favorisant le développement.
Quel serait le rêve que vous aimeriez voir se concrétiser ?
Mon rêve pour la Suisse, et en particulier pour Genève, est que nous soyons reconnus dans le monde entier non seulement pour nos banques, nos montres et notre industrie pharmaceutique, mais aussi comme un symbole de la mobilité durable. Car, au-delà des aspects financiers et manufacturiers, ce qui compte vraiment pour les habitants, c’est la qualité de vie. Assurer un environnement où il est agréable de vivre, où l’air est pur et où les déplacements sont aisés, est l’enjeu majeur de notre époque. Il est essentiel que la mobilité douce réponde aux besoins de chacun, étudiants, familles, personnes âgées ou à mobilité réduite, visiteurs occasionnels. C’est un travail complexe qui nécessite une vision à long terme et des politiques adaptées , sachant que la construction de nouvelles infrastructures prend du temps. En regardant vers l’avenir, je crois fermement que Genève peut devenir la capitale mondiale de la mobilité décarbonée, un modèle de durabilité. C’est un objectif qui me motive profondément.